D'Antonio Tarallo sur la NBQ :
« Foi et raison, reprenons la leçon de saint Jean-Paul II ».
« Jean-Paul II soutenait que la raison sans la foi risque de tomber dans le nihilisme. Tandis que la foi sans la raison peut glisser vers le fanatisme ». La Bussola s'entretient avec le professeur Mariusz Kuciński, directeur du Centre d'études Ratzinger. La recherche de la vérité. Et le nœud IA.
3_12_2024
Du 26 au 29 novembre, les Journées de saint Jean-Paul II se sont tenues à Rome, organisées conjointement par la Fondation Jean-Paul II, l'Université pontificale de Cracovie et l'église et l'hospice Saint-Stanislas dans la Ville éternelle, sous le patronage du Dicastère du Saint-Siège pour la culture et l'éducation. Il s'agissait d'un moment de réflexion précieux et très actuel sur la pensée théologique du pontife polonais. L'événement s'est inspiré des Journées Jean-Paul II à Cracovie, où des conférences consacrées au magistère du pape Wojtyła sont organisées chaque année depuis près de vingt ans.
Le thème de cette première édition « italienne » était : Foi et raison dans la pensée de saint Jean-Paul II. Quatre jours intenses de débats et de symposiums ont vu la participation de plusieurs universités pontificales telles que la Grégorienne, l'Angelicum (St. Thomas d'Aquin) et la Sainte-Croix. Parmi les intervenants figurait le professeur Don Mariusz Kuciński, directeur du Centre d'études Ratzinger et membre de l'Académie de Cuivie-Poméranie à Bydgoszcz. La Nouvelle Boussole l'a interviewé.
Professeur Kuciński, quel était le sens de la foi pour Saint Jean-Paul II ?
Saint Jean-Paul II considérait la foi comme le cœur battant de la vie humaine, non seulement comme un acte individuel de confiance en Dieu, mais aussi comme le fondement même de l'être humain. Dans son encyclique Fides et ratio, il souligne que la foi et la raison sont « les deux ailes avec lesquelles l'esprit humain s'élève à la contemplation de la vérité ». Cela montre à quel point la foi est profondément liée à la recherche humaine de la vérité. La foi est donc essentielle à l'épanouissement de l'homme.
Et si l'on parle de foi, on ne peut pas ne pas parler de théologie.
Oui, certainement. Pour Jean-Paul II, la théologie était étroitement liée à la pastorale et à l'évangélisation. Il voyait la théologie comme un instrument pour répondre aux questions profondes de l'homme contemporain. En lui, nous trouvons une théologie qui se devait d'être proche des gens. D'ailleurs, Jean-Paul II apportait le message théologique directement aux gens : on peut donc parler d'une théologie en action.
Le rôle de la culture était très important pour le pape Wojtyła. Pourquoi joue-t-elle un rôle aussi fondamental dans le dialogue entre la foi et la raison ?
La culture a été très importante dans le pontificat de Wojtyła : c'est en elle, selon Jean-Paul II, que l'homme peut exprimer son humanité et chercher le sens de la vie. Dans son magistère, nous avons la possibilité de comprendre comment la foi chrétienne peut enrichir chaque culture, et en même temps s'enrichir de la diversité culturelle. Jean-Paul II, dans Fides et ratio, un document magnifique et très actuel, a affirmé que la raison sans la foi risque de tomber dans le nihilisme. Tandis que la foi sans la raison peut glisser vers le fanatisme. Pour lui, la philosophie et la théologie doivent dialoguer pour répondre aux questions humaines fondamentales. En outre, il a abordé des questions morales complexes, telles que la bioéthique, la famille et la sexualité, en plaçant toujours la dignité de la personne au centre.
Qu'est-ce que Jean-Paul II a donné à l'Église de tous les temps, au monde ?
Jean-Paul II a offert au monde une vision profonde et multiforme de la relation entre la foi, la théologie et la culture. Il a beaucoup insisté sur la nécessité d'un dialogue sincère entre l'Église et le monde contemporain, afin de répondre aux défis de la modernité. Point central : la dignité humaine. Dans son magistère, nous trouvons un équilibre parfait entre la foi et la raison, entre la tradition et l'ouverture au dialogue, entre l'identité chrétienne et le respect des autres cultures et religions. Nous devons considérer tout cela comme une source d'inspiration pour les croyants et pour tous ceux qui cherchent des réponses aux grandes questions de l'existence humaine.
Nous vivons aujourd'hui une époque où divers aspects de la société semblent nier la vérité. Et nous savons combien Jean-Paul II a pris cette question à cœur. Comment l'encyclique Fides et ratio peut-elle nous aider dans ce moment historique ?
Nous vivons une époque où la société nie la vérité. Je pense en particulier au milieu universitaire. On dit : la vérité, même si elle est là, nous ne pouvons pas la connaître en tant qu'hommes, et donc il ne sert à rien de la chercher. Je parlerais d'une certaine méfiance : « ça ne m'intéresse pas », dit-on aujourd'hui. En ce moment de l'histoire, il semble vraiment que la science n'aide pas à la chercher : ces milieux ne veulent pas la chercher ! L'encyclique nous aide à voir que c'est Dieu qui fonde la dignité humaine, et pour cela nous avons besoin des deux ailes qui sont soulignées dans le document papal : la foi et la raison.
Dans le contexte actuel, un certain débat sur l'intelligence artificielle (IA) est désormais répandu dans la société et dans l'Église. Fides et ratio peut-elle nous aider à comprendre les potentialités et les risques de l'IA elle-même ?
Évidemment, l'encyclique n'a pas parlé de l'IA, mais elle parvient à nous donner une aide précieuse pour évoluer dans ce monde moderne qui apporte ces différentes possibilités de développement humain. Il existe un document sur les nouvelles technologies écrit par Jean-Paul II quelques mois avant sa mort, la lettre apostolique Le développement rapide (2005) : dans ce document, le pontife nous dit que les nouveaux médias sont des dons de Dieu. C'est vrai : ce sont des dons de Dieu. Le Seigneur nous donne la possibilité de vivre avec l'IA de différentes manières et cela peut, en principe, nous aider à mieux vivre. Mais pour pouvoir utiliser au mieux l'IA, il est important de connaître sa nature : nous devons apprendre à connaître ce don de Dieu que nous ne connaissons pas encore bien. Et il est nécessaire d'apprendre à utiliser l'IA de manière à ce qu'elle soit source de développement et non de destruction ou de préjudice, car elle pourrait en même temps comporter d'énormes risques. Fides et ratio nous donne la dignité humaine comme fondement : un moyen de développement technologique qui ne la reconnaît pas ne peut être que contre l'homme. Si nous avons une vision de l'homme comme un robot, alors nous enlevons la dignité humaine. Tout moyen qui enlève ou nie la nature humaine est un moyen qui va contre l'homme. Jean-Paul II nous a appris à toujours mettre l'homme au centre : il suffit donc d'être attentif aux développements de ce grand phénomène qu'est l'intelligence artificielle. L'Église peut et doit indiquer sa direction dans ce domaine. Et la direction est celle que Jean-Paul II nous a indiquée dans son Magistère pétrinien. L'œuvre de Jean-Paul II représente un trésor de sagesse et d'humanité, une invitation à ne pas craindre les défis du présent, mais à les affronter avec confiance, sachant que la foi éclaire la raison et que la culture enrichit l'expérience humaine de la recherche de Dieu.