De Solène Tadié sur le National Catholic Register :
« Âmes errantes » ou mascarade démoniaque ? Pourquoi ce débat continue d’agiter exorcistes et théologiens
On s'interroge sur des questions ancestrales concernant la vie, la mort et le mystère qui les unit.
La frontière entre cette vie et l'au-delà peut-elle s'estomper d'une manière que l'Église n'a pas pleinement définie ? Chaque année, la Toussaint et le mois de la Toussaint ravivent des questions ancestrales sur la vie, la mort et le mystère qui les unit.
Dans la culture populaire, les fantômes sont souvent imaginés comme des esprits prisonniers entre deux mondes, errant parmi les vivants. Cette image diffère sensiblement du concept d’« âmes errantes » qui, selon les théologiens et les exorcistes, ne sont pas condamnées à errer indéfiniment, mais peuvent être des âmes au purgatoire, temporairement autorisées par Dieu à prier ou à se repentir.
Le sujet des âmes errantes, qui fascine nombre d'internautes, est devenu source de malaise au sein de l'Église, révélant des divergences de points de vue entre exorcistes, théologiens et évêques. Sur le terrain, plusieurs exorcistes rapportent avoir rencontré ce qu'ils interprètent comme des âmes errantes : des entités qui paraissent humbles, repentantes et implorant la prière, plutôt que démoniaques.
Les âmes des défunts pourraient-elles, par permission divine, s'attarder quelque temps sur terre durant leur purification au purgatoire ? Ou une telle affirmation remet-elle en cause l'immédiateté du jugement particulier après la mort ?
Le débat a été relancé ces derniers mois lorsque l'Association internationale des exorcistes (AIE) a publié une note interne condamnant la théorie des « âmes errantes », citant notamment l'exorciste espagnol, le père Javier Luzón Peña, et son ouvrage Las seis puertas del Enemigo: Experiencias de un exorcista (2017). Fuité dans la presse en avril 2025, ce document mettait en garde contre les opinions jugées incompatibles avec la doctrine catholique.
Le point chaud espagnol
Le débat s'est intensifié en Espagne avec la parution du Traité des âmes errantes (2021) du père José Antonio Fortea. Ces deux auteurs, exorcistes expérimentés, suggéraient que certaines âmes, sauvées mais non pleinement purifiées, pouvaient temporairement demeurer proches de la réalité terrestre pour solliciter des prières. Initialement bien accueillis dans certains milieux catholiques, leurs ouvrages ont ensuite suscité de vives inquiétudes chez les évêques et les théologiens, qui craignaient une confusion entre la prière d'intercession légitime pour les défunts et les formes interdites de spiritisme.
Cette théorie des âmes errantes a été dénoncée par d'éminents théologiens et exorcistes, dont Mgr Rubens Miraglia Zani, membre de l'AIE à Rome, comme étant théologiquement intenable. Dans un entretien accordé au Register, Mgr Zani a rappelé que la « Lettre sur quelques questions d'eschatologie » de 1979 de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi rejetait explicitement l'idée d'un état intermédiaire où le destin de l'âme demeurerait indécis. Il a également cité les Prénotanda du Rite d'Exorcisme, qui enjoignent aux exorcistes de ne croire aucun esprit possesseur se faisant passer pour un défunt. Reprenant les idées de saint Thomas d'Aquin, il a souligné que les démons peuvent imiter les âmes des morts pour semer la confusion et l'erreur, et que la position de l'Église sur ce sujet repose sur l'Écriture, la Tradition et l'enseignement magistériel. « Quiconque n'est pas d'accord sur ce point », a-t-il insisté, « se situe en dehors de la foi catholique ». Fort de son expérience, Mgr Zani a affirmé que la véritable libération s'opère toujours par l'autorité du Christ dans les sacrements et la prière, et jamais par une prétendue communication avec les morts.









