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BELGICATHO

  • Le pape de demain devra d'abord parler du Christ. Le reste en découlera. Et ce sera un défi de taille.

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    D'Andrea Gagliarducci sur Monday Vatican :

    Après François : l'institution, l'héritage, les problèmes

    Il y a un contraste frappant entre l'idée qui avait été donnée des funérailles du pape François, avec les rites simplifiés et le désir qu'elles ne soient pas perçues comme un signe de pouvoir, et la manière dont a été organisé le transfert du corps du pape de la maison de Sainte-Marthe à Saint-Pierre.

    Ce fut, en effet, une cérémonie papale impeccable, tout comme les funérailles célébrées le 26 avril furent une célébration papale soignée dans les moindres détails. Le pape François est parti en pape – un pape exceptionnel qui laisse derrière lui un héritage de gestes encore à définir, mais qui reste un pape.

    Le contraste est encore plus évident si l'on regarde comment la mort du pape a été annoncée : le cardinal Kevin Farrell, camerlingue, le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d'État, l'archevêque Edgar Pena Parra, substitut, et l'archevêque Diego Ravelli, maître des célébrations papales, se sont présentés dans la chapelle de la Domus Sanctae Marthae en tant qu'ecclésiastiques, sans même la soutane à fil rouge.

    C’était une annonce officielle qui manquait… d’officialité.

    L'annonce a été diffusée en direct sur les réseaux du Vatican mais n'a pas été prononcée devant la place, où les cloches n'ont pas sonné pendant au moins une heure car la transmission électronique qui était censée les activer était interrompue.

    Ce sont autant de détails qui marquent un avant et un après. Ils racontent comment, à la mort du pape François, l'institution a été mise de côté, et la machine institutionnelle, liturgique et symbolique a redémarré quelques jours plus tard. Rien ne sera fait contre le pape défunt, mais tout sera fait pour l'Église.

    Le retour de l’institution au centre marque également une transition qui ne peut être sous-estimée.

    Le pape François a apporté son charisme et a également imposé une série de symboles, de gestes et de manières de faire personnels, directement issus de son environnement et de sa façon d'être. Portant des chaussures ou un pantalon noirs sous la soutane, évitant la mozzetta papale et manifestant une certaine « allergie » à toute situation institutionnelle, le pape François a en quelque sorte porté un coup dur au protocole institutionnel.

    Tant qu'il régnait, tout le monde le suivait.

    Pourtant, ce protocole était fait d'une histoire et d'une dignité qui n'avaient pas été perdues. Il est simplement resté sous les cendres jusqu'à son retour au moment où l'Église, privée de son chef, doit parler au monde . Et elle ne peut que parler au monde avec ses symboles, ses signes et son histoire – en un mot, avec son langage.

    Les lecteurs pourraient penser que tout cela est secondaire et juger vain de critiquer le pape pour son renoncement, voire sa répudiation, à certains symboles. La tradition, dit-on, n'est pas immuable. L'Église, ajoute-t-on, n'est pas le pouvoir. Le pape, précise-t-on, a bel et bien aidé l'Église à se débarrasser de la poussière du passé.

    Tout cela est peut-être vrai, et c'est une façon différente d'aborder la question. Pourtant, l'histoire nous apprend que chaque fois qu'un changement touche les langues historiques, des identités se perdent et des institutions s'effondrent. Reconstruire est toujours complexe et titanesque .

    Le pape François a défini deux points dans son testament : la paix mondiale et la fraternité. Cependant, ces points restent généraux et concernent davantage la situation mondiale que celle de l’Église . Ce langage est cohérent avec celui du pape, qui s’adressait au monde avant l’Église. À tel point que, lors de sa première rencontre avec les journalistes, il n’a pas donné de bénédiction par respect pour les non-croyants. À tel point que, hormis la bénédiction urbi et orbi lors de ses dernières sorties, le pape François a souhaité « bon dimanche », mais n’a pas prononcé de bénédiction .

    Les cardinaux entameront toutefois cette semaine un échange de vues sur l'Église qui dépassera ces questions. Ce sera un conclave différent de celui de 2013.

    En 2013, les cardinaux furent appelés à réagir à un choc : la démission de Benoît XVI. Ils en examinèrent immédiatement les causes immédiates et pensèrent que l’un des problèmes résidait dans l’organisation . Au bout d’un moment, les collaborateurs du pape furent pointés du doigt. Une phrase disait que « quatre années de Bergoglio pourraient suffire ». Cela signifiait qu’un pape venu du bout du monde était nécessaire pour secouer l’institution et poser les bases de la réforme. Mais seulement pour quatre ans. Une panique maîtrisée, pour ensuite tout ramener dans le giron institutionnel.

    Le pape François, cependant, a occupé ce poste pendant douze ans et a eu le temps de laisser une empreinte décisive sur l'institution de l'Église. Depuis quelque temps, les cardinaux discutent de la nécessité de donner un ordre institutionnel aux réformes et aux différents processus engagés. La réforme de la Curie est loin d'être définitive et nécessite des ajustements. L'ordre de l'État de la Cité du Vatican a été modifié à plusieurs reprises ces dernières années et doit être harmonisé.

    Ensuite, diverses questions ouvertes concernent la crédibilité de l’Église, depuis la lutte contre les abus jusqu’à la présence de l’Église dans la société.

    Les cardinaux rechercheront donc un profil modéré, capable de ne pas négliger les bonnes choses, mais d'avancer vers la normalisation. Quelqu'un qui soit moins protagoniste et qui laisse plutôt l'Église s'exprimer, dit-on. Plus pragmatiquement, quelqu'un qui n'applique pas un système de dépouilles féroce après son élection.

    Car la grande crainte, pour beaucoup, est de perdre les postes de pouvoir qu'ils ont conquis. Le pape François a eu un gouvernement très personnel . Les véritables collaborateurs n'étaient pas ceux qui occupaient des fonctions officielles, mais ceux qui restaient invisibles. Tous ces collaborateurs, qui étaient des confidents du pape, n'avaient ni titre ni fonction. Le risque, pour eux, était de disparaître.

    Le Conclave nous dira maintenant si les cardinaux auront le courage de mener à bien cette contre-révolution institutionnelle. Il ne s'agit pas de reculer . Il s'agit de consolider l'institution de l'Église, puis d'avancer avec des orientations et des méthodes différentes. Ce serait encore une révolution copernicienne après un pontificat comme celui du pape François.

    Bien sûr, les cardinaux ne doivent pas commettre la grave erreur de se concentrer sur des questions pragmatiques lors des congrégations générales. C'est ce qui s'est produit avant le conclave de 2013. Le choix s'est alors porté sur le pape François, car il semblait suffisamment fort pour mener les réformes sans réaction. En réalité, ils se tournaient vers le pape en quête d'un profil missionnaire et d'un changement de discours. Ils ne souhaitaient pas une véritable réforme, mais plutôt un renforcement de la situation existante.

    De son côté, le pape François a réformé, changé les règles et tout remis en question. Il a pris chaque décision en affirmant que tel était le mandat que lui avaient confié les cardinaux réunis à la chapelle Sixtine. Il n'avait pas entièrement tort .

    Le pape de demain devra donc d'abord parler du Christ. Le reste en découlera. Et ce sera un défi de taille .

  • Le cardinal Ambongo : un papabile mélangeant tradition et réforme

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    De John L Allen Jr sur le Catholic Herald :

    Papabile du jour : le mélange de tradition et de réforme du cardinal Ambongo

    27 avril 2025

    Lorsque le pape François a donné le feu vert au Dicastère pour la doctrine de la foi pour publier sa déclaration controversée de 2024 Fiducia Supplicans , autorisant la bénédiction des personnes vivant en union homosexuelle, l'objectif était vraisemblablement de combler un vide pastoral et d'atteindre un groupe d'électeurs souvent aliéné de l'Église catholique.

    Toutefois, parmi les conséquences imprévues, un résultat clair de la déclaration a été l’émergence d’un nouveau candidat papal : le cardinal Fridolin Ambongo Besungu, 65 ans, de Kinshasa en République démocratique du Congo, qui est également le chef élu des évêques africains en tant que président du Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM).

    Un titre de l'époque du journal italien Il Messaggero , en tête d'un article de la correspondante chevronnée du Vatican, Franca Giansoldati, disait tout : « Le profil du cardinal Ambongo progresse parmi les futurs papabili : il a dirigé le blocage africain de la bénédiction des couples homosexuels. »

    Cette référence faisait référence au fait qu'Ambongo était l'instigateur principal d'une déclaration du SCEAM déclarant que les Fiducia Supplicans étaient lettre morte sur le continent. Les prélats africains, y affirmait-il, « ne considèrent pas approprié que l'Afrique bénisse les unions homosexuelles ou les couples de même sexe car, dans notre contexte, cela créerait de la confusion et serait en contradiction directe avec l'éthique culturelle des communautés africaines ».

    C'était la première fois que les évêques d'un continent entier déclaraient qu'un décret du Vatican ne serait pas appliqué sur leur territoire. Compte tenu de la difficulté générale de parvenir à un accord sur quoi que ce soit avec un groupe d'évêques peu maniable, la réponse rapide et unifiée du SCEAM témoignait du leadership d'Ambongo.

    En outre, la déclaration du SCEAM est également remarquable par la manière dont elle a été élaborée en concertation avec le pape et ses principaux conseillers.

    Ambongo a raconté l'histoire lors d'une conversation avec un blog catholique français. Après avoir recueilli les réponses des évêques africains, il s'est envolé pour Rome afin de les présenter au pape. François lui a demandé de collaborer avec le cardinal argentin Víctor Manuel Fernández, du Dicastère pour la doctrine de la foi. Ambongo a suivi le mouvement, consultant le pontife tout au long du processus, de sorte que la déclaration du SCEAM, une fois publiée, portait de facto le sceau de l'approbation papale.

    En d'autres termes, Ambongo a trouvé un moyen pour les Africains d'avoir leur manioc et de le manger – en s'opposant au pape, au moins indirectement, mais sans paraître déloyal. C'est l'une des aiguilles les plus difficiles à enfiler dans la vie catholique, et l'habileté avec laquelle Ambongo y est parvenu a retenu l'attention.

    Né à Boto, au Congo, en 1960, Ambongo s'est senti appelé au sacerdoce et a rejoint les Franciscains Capucins, prononçant ses vœux perpétuels en 1987. Il a ensuite été envoyé étudier la théologie morale à la prestigieuse Académie Alphonsienne de Rome, dirigée par les Rédemptoristes, où il a appris l'italien - presque une condition sine qua non pour un pape potentiel.

    Au cours des années qui ont suivi, il a travaillé dans une paroisse, enseigné dans des séminaires et occupé divers rôles de direction au sein des Capucins jusqu'à sa nomination comme évêque en 2004, à l'âge de 44 ans.

    En 2016, Ambongo devint archevêque de Mbandaka-Bikoro et, à l'instar de son mentor, feu le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, il fut rapidement entraîné dans les turbulences de la politique congolaise. Lorsque le président de l'époque, Joseph Kabila, reporta les élections en 2016 pour se maintenir au pouvoir, Ambongo devint une figure de proue de l'opposition pro-démocratie et participa à la négociation de l'Accord-cadre de la Saint-Sylvestre, qui ouvrit la voie aux élections de 2018.

    Ambongo ne manque assurément pas d'audace. Son franc-parler en faveur de l'environnement – ​​critiquant à la fois les multinationales pétrolières et minières et les politiciens locaux qui servent leurs intérêts – lui a valu des menaces de mort ; il s'est même décrit comme « une personne en danger au Congo ».

    Il a clairement bénéficié de la faveur du pape François, ayant été nommé au Conseil des cardinaux du pontife en 2020, succédant à Monsengwo, et confirmé dans ce rôle en 2023. Il a également organisé une visite papale réussie au Congo en 2023. Pourtant, comme l'a démontré la controverse Fiducia , il est également prêt à se démarquer du chœur d'approbation qui entoure généralement tout pape lorsqu'il estime qu'une question de principe est en jeu.

    Le cas d’Ambongo ?

    Il incarne un mélange distinctif de continuité et de changement par rapport à l’héritage du pape François – en maintenant son rayonnement vers les périphéries et son fort témoignage social, mais en adoptant une position plus prudente et traditionnelle sur les questions doctrinales controversées.

    Son CV est empreint de sérieux : un homme d’État en politique nationale, un dirigeant continental d’évêques et un conseiller papal doté d’une connaissance approfondie de la réforme du Vatican.

    De plus, en tant que capucin, Ambongo a la réputation d'être un pasteur engagé, proche du peuple et à l'écoute des difficultés quotidiennes des fidèles. Il semble apprécier sincèrement d'être parmi eux – une qualité recherchée chez un pape.

    Les arguments contre ?

    Ambongo étant peu connu hors d'Afrique, l'impression de nombreux cardinaux est probablement davantage influencée par les reportages des médias et les témoignages de seconde main que par leurs relations personnelles. Certains pourraient se demander si ses vives critiques du déclin des valeurs morales en Occident pourraient faire de lui une figure difficile à cerner dans les régions plus sécularisées, risquant de le faire paraître déconnecté de la réalité.

    Les Américains pourraient également être légèrement inquiets de son anglais limité, même s’ils ont accepté une situation similaire avec François.

    Une chose est sûre : si Ambongo sortait du conclave vêtu de blanc, l’arrivée d’un « pape noir » électriserait l’opinion mondiale et lui offrirait une vaste tribune culturelle. La question serait alors de savoir comment il choisirait de l’utiliser.

  • De quel pape l'Église a-t-elle besoin aujourd'hui ? Entretien avec George Weigel.

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    De sur le CWR :

    De quel pape l'Église a-t-elle besoin aujourd'hui ? Entretien avec George Weigel.

    « Le prochain pape devrait rappeler avec force à l’Église que le catholicisme ne fait pas de « changements de paradigme », car Jésus-Christ, « le même hier, aujourd’hui et toujours », est toujours le centre de l’Église. »

    J'ai correspondu avec Weigel lorsque le livre a été publié pour la première fois en 2020 par Ignatius Press, lui posant diverses questions sur la papauté, Vatican II et les défis actuels à l'intérieur et à l'extérieur de l'Église.

    Cette interview, initialement publiée sur CWR en juillet 2020, est republiée ici avec quelques petites modifications apportées à la lumière du décès du pape François et de la situation actuelle.

    CWR : Bien que certains lecteurs puissent penser au départ que votre livre porte sur l’ identité du prochain pape, n’est-il pas plus exact de dire (comme l’indique le sous-titre) qu’il porte sur ce qu’est la papauté, en particulier dans le cadre d’une bonne compréhension de la nature de l’Église et de sa mission évangélique ?

    Weigel : C’est exact. Mon livre est un ouvrage d’orientation pour l’avenir, pas un livre sur les personnalités. M’appuyant sur mon expérience personnelle avec le pape François et ses deux prédécesseurs, ainsi que sur mes contacts avec des catholiques du monde entier, j’essaie de suggérer ce que le prochain pontificat pourrait faire pour promouvoir ce que le pape François a appelé une « Église en mission permanente ».

    Ainsi, bien que le livre traite de la fonction de Pierre et de son rôle unique dans l'Église, défini bibliquement dans Luc 22:32, il traite également de la responsabilité de chacun dans l'Église pour l'œuvre d'évangélisation, vue à travers le prisme de ce que la papauté pourrait faire pour soutenir cette œuvre.

    CWR : Un point fondamental de ce livre est votre affirmation selon laquelle nous traversons « les turbulences d’une période de transition », qui fait partie de ce que vous identifiez comme la cinquième transition historique majeure dans la vie de l’Église. Quelle est cette transition ? Et comment la papauté s’inscrit-elle, si l’on peut dire, dans cette transition ?

    Weigel : Comme je le note de manière très télégraphique dans The Next Pope , nous sommes dans la cinquième grande époque de transition dans les deux mille ans d'histoire de l'Église.

    La première fut la transition du Mouvement de Jésus (ou, si vous préférez, de l’Église primitive décrite dans les Actes et les épîtres du Nouveau Testament) à « l’Église primitive », une transition qui s’est accélérée avec la première guerre judéo-romaine (vers 70 après J.-C.) ; cette Église primitive a converti entre un tiers et la moitié du monde méditerranéen en 250 ans environ.

    L'« Église primitive » a ensuite donné naissance, tout en cédant la place au christianisme patristique, qui a été façonné par la rencontre de l'Église avec la culture classique ; cette manière d'être catholique a soutenu des conciles œcuméniques cruciaux comme Nicée I, Éphèse et Chalcédoine, et a nourri de grands penseurs comme Ambroise, Augustin, les Pères de Cappadoce et Maxime le Confesseur.

    Puis, vers la fin du premier millénaire, le christianisme patristique a donné naissance – et a même cédé la place – à la chrétienté médiévale : peut-être la synthèse la plus étroite jamais atteinte entre Église, société et culture. La chrétienté médiévale s'est effondrée au XVIe siècle, et des cataclysmes de cette époque est né le catholicisme dans lequel tout catholique de plus de 55 ou 60 ans a grandi : le catholicisme de la Contre-Réforme.

    Nous traversons actuellement une période de transition du catholicisme de la Contre-Réforme à l'Église de la Nouvelle Évangélisation, une transition où les institutions laborieusement construites, défendues et reconstruites entre la fin du XVIe et la fin du XXe siècle doivent désormais être transformées en plateformes missionnaires. Ces transitions sont toujours tumultueuses, et celle-ci, qui a débuté avec le pontificat de Léon XIII à la fin du XIXe siècle, ne fait pas exception.

    CWR : Vous abordez très tôt un thème développé plus en détail dans votre livre L’ironie de l’histoire catholique moderne , à savoir que depuis 1878 et le pontificat de Léon XIII, l’Église a cherché à « s’engager auprès du monde moderne afin de le convertir ». Quels ont été les principaux défis et obstacles à cette œuvre, et comment cela façonnera-t-il ou affectera-t-il la prochaine papauté ?

    Weigel : Le défi fondamental pour l’Église en Occident est de comprendre que nous ne vivons plus à l’époque de la chrétienté, une époque où la culture contribue à transmettre la foi, mais à l’époque apostolique : une époque où l’Évangile doit être activement proclamé et proposé. Il n’est pas nécessaire d’expliquer cela aux jeunes Églises dynamiques d’Afrique subsaharienne ; elles le vivent.

    Il est nécessaire d'expliquer cela en Europe, en Amérique latine et dans une grande partie de l'Amérique du Nord. Chaque responsable d'Église, clerc ou laïc, et surtout le Successeur de Pierre, doit reconnaître ce fait fondamental concernant notre situation. Il existe bien sûr de nombreux autres défis et obstacles, notamment l'insistance de certains à considérer le catholicisme allégé comme la voie vers la « pertinence », ce qui n'est manifestement pas le cas.

    Et puis il y a le défi du cynisme généralisé, né d'une sorte d'ennui spirituel nihiliste, présent dans une grande partie de la culture élitiste occidentale. Pourtant, le défi fondamental est de comprendre que nous vivons à une époque apostolique et d'en tirer les conclusions qui s'imposent.

    CWR : Vous critiquez vivement le « catholique allégé » tout au long du livre. Quelles en sont les caractéristiques essentielles ? Et que devrait faire, selon vous, le prochain pape pour y remédier ?

    Weigel : Le catholicisme allégé est la simplifica- tion de la croyance et de la pratique catholiques, en conformité avec les tendances et les dogmes culturels dominants. Et comme l’expérience aurait dû nous l’enseigner, le catholicisme allégé conduit inexorablement au catholicisme zéro, comme c’est le cas, par exemple, en Allemagne. Une grande partie du catholicisme allemand actuel est une coquille institutionnelle massive et bien financée, sans pouvoir évangélique ni impact significatif sur la société ; voilà l’effet que cinquante ans de catholicisme allégé peuvent avoir sur une Église locale, aussi vénérable ou aisée soit-elle.

    Je pensais autrefois que le catholicisme allégé était une forme de schisme psychologique : « Écoutez, nous sommes plus intelligents que vous, les orthodoxes/conservateurs. » Je ne le pense plus. Le catholicisme allégé est une forme d'apostasie, un déni tacite de la qualité de Jésus-Christ comme unique sauveur de l'humanité et centre de l'histoire et du cosmos.

    Les parties vivantes de l'Église mondiale sont celles qui adhèrent pleinement au catholicisme. Le prochain pape pourrait le souligner, encourager le catholicisme vivant dans son œuvre d'évangélisation et appeler les parties de l'Église mondiale engluées dans les sables mouvants du catholicisme allégé à redécouvrir l'aventure de l'orthodoxie avant de sombrer dans le catholicisme zéro.

    CWR : Vous écrivez qu'il existe aujourd'hui des catholiques qui « nient que la révélation divine juge l'histoire et suggèrent que le cours de l'histoire et notre expérience présente jugent les vérités de la révélation… » Quels sont quelques exemples de cette approche de la révélation divine, influencée par Hégél ? Et quels problèmes en découlent ?

    Weigel : Nous avons vu ces problèmes lors des synodes de 2014 et 2015 sur la famille, lorsque d’éminents hommes d’Église ont insisté sur le fait que notre expérience des défis du mariage et de la vie de famille aujourd’hui nous permet d’« ajuster » l’enseignement de Jésus lui-même – la révélation – sur ces questions.

    Bien entendu, cela conduit précisément au même résultat que celui qui a conduit le protestantisme libéral depuis le XIXe siècle : à un christianisme à la dérive, qui finit par se confondre avec la société et la culture environnantes, et sombre donc dans le coma, tant sur le plan évangélique que dans son impact sur la société. Le Concile Vatican II a fermement affirmé la réalité et l’autorité contraignante de la révélation divine, et chaque pape devrait le rappeler régulièrement à l’Église.

    Nous ne sommes pas  sans gouvernail, grâce à l’Écriture et à la Tradition qui, comme l’enseigne le Concile, forment un seul dépôt de la Parole de Dieu.

    CWR : Selon vous, le débat le plus important dans l'Église aujourd'hui porte sur la question de savoir si Vatican II s'inscrit « dans la continuité de la révélation et de la tradition » ou s'il est un « concile de rupture et de discontinuité ». La situation semble avoir atteint un point critique aujourd'hui. Que pourrait faire le prochain pape pour répondre à ce débat ?

    Weigel : À mon avis, il devrait aborder cette question en la réglant. Il la réglerait d'abord en rappelant avec force à l'Église l'intention de Jean XXIII pour le Concile, qui était de transmettre l'intégralité de la révélation divine d'une manière compréhensible par les hommes de l'époque, afin qu'ils puissent se convertir au Christ. Ainsi, les documents de Vatican II ne peuvent être correctement compris et interprétés que dans le cadre de la tradition établie de l'Église.

    Cette affirmation vigoureuse répondrait à la critique de Vatican II comme une triste erreur, qui émane de certains milieux ultra-traditionalistes ces jours-ci, même si elle rappelle à l’aile « progressiste » de l’Église que Jean XXIII ne cherchait pas à déconstruire le catholicisme selon une sorte d’« esprit » conciliaire amorphe.

    Deuxièmement, le prochain pape devrait rappeler avec force à l'Église que le catholicisme ne change pas de paradigme, car Jésus-Christ, « le même hier, aujourd'hui et toujours » (Hébreux 13:8), est toujours au centre de l'Église. L'Église développe sa compréhension du Christ et de sa mission ; elle ne change pas de paradigme. Le paradigme est et sera toujours « la foi transmise aux saints une fois pour toutes » (Jude 1:3).

    CWR : Le prochain pape, écrivez-vous, devra œuvrer à renforcer l'unité de l'Église. Mais que se passera-t-il s'il n'y parvient pas ? Que se passera-t-il si, par exemple, il semble davantage préoccupé par ses intérêts politiques et ignore les différends essentiels sur les questions théologiques, morales et liturgiques ? Que se passera-t-il alors ?

    Weigel : Je ne pense pas que ce soit probable, mais si cela devait arriver, les évêques, les prêtres, les religieux et les fidèles laïcs devront poursuivre la nouvelle évangélisation, qui ne s’épanouit que par la plénitude de la vérité chrétienne. Nul n’a besoin d’autorisation pour être évangéliste ; chacun a reçu la Grande Mission de Matthieu 28.19 au baptême. La papauté est d’une importance cruciale dans l’Église, mais le pape n’est pas l’Église, et le catholicisme ne se réduit pas à la papauté.

    CWR : La crise actuelle « de la civilisation mondiale est une crise de l'idée de la personne humaine » et, selon vous, la réponse à cette crise est « la revitalisation de l'humanisme chrétien ». Est-il juste de dire que beaucoup trop de dirigeants catholiques, même ceux qui souhaitent s'attaquer à cette crise, n'en comprennent pas suffisamment la nature profonde ? Et comment y remédier concrètement ? Comment le prochain pape devrait-il chercher à revitaliser l'humanisme chrétien ?

    Weigel : Ici, aux États-Unis, il est désormais impossible de nier la nature de la crise, grâce à la récente décision Bostock de la Cour suprême. Bostock a déclaré, en termes clairs, que la conception biblique de la personne humaine est contraire à la législation américaine sur les droits civiques. Selon cette législation, telle qu'interprétée par la majorité dans l'arrêt Bostock , nous ne sommes que des faisceaux de désirs moralement équivalents, dont la satisfaction est l'objet ; et toute remise en cause de cette vision de la personne humaine est par définition un acte de discrimination ou de sectarisme. La situation a empiré à ce point.

    Alors, quelle est la solution ? Des stratégies juridiques pour assurer une bonne défense jusqu'à ce que le paysage juridique évolue et soit remis en conformité avec la réalité sont essentielles. À long terme, cependant, la seule réponse à cette dégradation de la personne humaine est d'élever une vision plus noble de ce que nous sommes, êtres humains. Les chrétiens croient que la vérité de notre identité et de notre noble destinée a été définitivement révélée en Jésus-Christ, qui révèle à la fois le visage du Père des miséricordes et la vérité sur nous. Jésus n'est pas un avatar de la décence humaine ou de la « spiritualité ». Il est ce qu'il a déclaré être : « le chemin, la vérité et la vie » (Jean 14.6). Ainsi, un renouveau radicalement christocentrique de l'évangélisation est impératif, tant pour l'Église que pour la société.

    Comment le prochain pape pourra-t-il soutenir ce qui devra être un effort massif de conversion et de renouveau culturel de la part de l'Église tout entière ? Il peut y parvenir en étant profondément, voire inexorablement, christocentrique dans sa prédication et son enseignement. Et en cela, il peut s'inspirer de Jean-Paul II. Quand on pense à la grande homélie inaugurale de Jean-Paul II, le 22 octobre 1978, on se souvient de la phrase : « N'ayez pas peur ! » L'homélie commençait cependant par la confession de foi christologique de Pierre : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Matthieu 16,16).

    Jean-Paul II a su vivre au-delà de la peur et, grâce à sa foi radicale et christocentrique, il a su convaincre les autres de faire de même. C'est un modèle puissant pour la papauté de demain, en ces temps apostoliques.

    CWR : L’un des derniers chapitres du livre évoque la nécessité de réformer le Saint-Siège. On peut dire sans se tromper que de nombreux catholiques sont devenus plutôt cyniques à ce sujet, car il est constamment évoqué sans jamais aboutir. Quels sont les principaux obstacles ? Et que peut faire le prochain pape pour y parvenir ?

    Weigel : Il y a quelques années, un membre éminent du Collège des cardinaux m’a demandé ce que nous devrions, selon moi, « rechercher chez le prochain pape ». J’ai répondu : « Premièrement, nous avons besoin d’un homme à la foi lumineuse, capable de rendre l’orthodoxie chrétienne attrayante et convaincante. Et deuxièmement, nous avons besoin d’un homme prêt à licencier cinquante personnes dès son premier mois de mandat. »

    Le cardinal acquiesça. Comme tous les chefs de dicastères du Vatican perdent leur poste lors du sede vacante (c'est-à-dire lorsque le pape décède ou abdique), le nouveau pape a la possibilité d'opérer une réforme sérieuse dès le début de son pontificat : il ne renouvelle tout simplement pas certaines personnes.

    Au-delà de cela, les choses se compliquent un peu, c'est pourquoi je suggère dans le livre que le prochain pape a besoin d'un second de confiance, déterminé et capable de faire le ménage nécessaire. Mais même une fois cela fait, une réforme à long terme du Vatican ne résultera que d'un profond changement dans la culture institutionnelle du Saint-Siège. Cela implique, entre autres, de ne nommer aux postes décisionnels de la Curie (les soi-disant « supérieurs ») que ceux qui ont déjà fait preuve de compétence financière et de probité. Les audits, la transparence budgétaire et comptable, ainsi que d'autres réformes structurelles sont impératifs, et le pape François a réalisé des progrès sur ce front.

    Mais le personnel est une politique, et la clé de la réforme du Vatican réside dans le caractère de ceux qui sont appelés à y travailler.

    CWR : Une dernière réflexion ?

    Weigel : The Next Pope  s'inspire de la vie et de l'œuvre de chacun des papes avec lesquels j'ai eu le privilège de m'entretenir personnellement : Jean-Paul II, Benoît XVI et François. Aucun d'eux n'a tout réussi, et il y a des leçons à tirer de ce qui a bien fonctionné et de ce qui a moins bien fonctionné durant ces pontificats.

    The Next Pope reflète également mes expériences de la vie catholique dans une grande variété de lieux à travers l'Église mondiale, qui m'ont aidé à voir à la fois la complexité de la réalité catholique et une grande simplicité : le catholicisme total est attrayant et transformateur, et le Catholic Lite ne l'est pas.

    Ce livre n'est pas une polémique ; j'aimerais qu'il soit lu comme un appel à l'espérance. Je l'ai aussi écrit pour tenter d'élever et d'approfondir le débat sur la papauté et son avenir, qui, comme trop d'autres sujets dans l'Église aujourd'hui, est mené sur un ton de plus en plus strident et partisan. Assez de cris, c'est assez. Soyons sérieux.

  • La charité ne peut jamais contredire les commandements de Dieu

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    De Luisella Scrosati sur la NBQ :

    La charité ne peut jamais contredire les commandements de Dieu

    Le nouveau pontife aura pour tâche de reprendre les rênes de l'enseignement moral de l'Église en clarifiant les tentatives de subversion qui ont conduit à théoriser un conflit présumé entre la charité et la loi divine, qui doit au contraire être récupérée comme fondement d'une vie moralement bonne.

    28_04_2025

    (Photo AP/Andrew Medichini) Associated Press/LaPresse

    En vue du prochain Conclave, nous publions une série d'articles approfondis inspirés du  document signé par Dèmos II   (un cardinal anonyme) qui fixe les priorités du prochain Conclave pour réparer la confusion et la crise créées par le pontificat de François.

    Le pontificat de François a été salué par beaucoup, à l’intérieur et à l’extérieur de l’Église, comme le pontificat de la miséricorde. Mais si nous regardons de près, au cours des années du pontificat qui vient de s'achever, nous avons vu surgir et s'établir une position qui peut être considérée comme une véritable « hérésie de la charité », c'est-à-dire une corruption à la fois de la charité et de la miséricorde elle-même. Ce qui a été insinué dans certains documents du Pontife, comme par exemple dans l'exhortation Amoris Lætitia , a été ouvertement soutenu par celui que le Pape a choisi pour présider le Dicastère pour la Doctrine de la Foi, Son Éminence le Cardinal Víctor Manuel Fernández, et caractérise désormais la ligne dominante de l'Institut Théologique Pontifical Jean-Paul II pour les Sciences du Mariage et de la Famille et de l'Académie Pontificale pour la Vie, présidée par S.E. Mgr. Vincent Paglia.

    Il ne fait aucun doute que l’Apocalypse enseigne la primauté de la charité (cf. Mt 22, 34-40 ; Mc 12, 28-34), principe unificateur de toute la morale chrétienne. Mais cette primauté doit être correctement comprise. Rappelons d’abord la différence entre la charité et la miséricorde, qui sont souvent confondues. La charité est une vertu théologale qui nous unit à Dieu, « aimé principalement et par-dessus tout [...] comme cause de notre bonheur, tandis que notre prochain est aimé comme participant de son bonheur » (cf. Somme théologique II-II, q. 26, a. 2). La miséricorde, au contraire, est cette splendide vertu morale qui nous conduit à avoir compassion de la misère de notre prochain, et qui donc, en tant que vertu morale, doit être réglée par la vertu de prudence et subordonnée à l'obéissance à Dieu, reine des vertus morales (cf. Summa Theologiæ II-II, q. 104, a. 3). Il s'ensuit que la miséricorde ne peut jamais conduire à la désobéissance aux commandements divins, pas plus que la charité, qui est avant tout union à Dieu, ne peut exiger des actes en conflit avec les commandements, une affirmation qui entraînerait une contradiction flagrante avec l'Apocalypse : « Si vous m'aimez, vous garderez mes commandements […]. » « Celui qui a mes commandements et les garde, c'est celui-là qui m'aime » (Jn 14, 15.21).

    Ce prétendu conflit entre la charité (et la miséricorde) et la loi divine a été théorisé par le dernier préfet du Dicastère pour la Doctrine de la Foi., précisément à cause d’une réduction erronée de la charité à l’amour fraternel et à cause d’une grave méconnaissance de la miséricorde. L’affirmation selon laquelle la charité peut justifier des actes contraires aux commandements de Dieu, comme la contraception, est une monstrueuse méprise qui porte atteinte à l’enseignement moral catholique. La charité est en effet la forme surnaturelle de toute vertu, qui conduit tout bon acte humain au trône de Dieu ; elle présume donc la bonté de l’acte qu’elle élève, mais ne transforme pas un acte désordonné en un acte ordonné. Que, durant ce pontificat, de nombreux prélats éminents, nommés par François à des postes clés dans la direction de l’Église, en soient arrivés à affirmer que la charité peut justifier la contraception, ou le recours à la FIV, ou même les unions de fait , est un signe sans équivoque de l’abîme de ténèbres dans lequel sont désormais tombés de nombreux pasteurs de l’Église.

    Le nouveau pontife aura la tâche de reprendre les rênes de l'enseignement moral de l'Eglise, merveilleusement enrichi durant le pontificat de Jean-Paul II, en mettant en lumière ces tentatives de subversion et en récupérant le sens des commandements divins comme fondement d'une vie moralement bonne, qui grandit dans la vertu et s'épanouit dans la charité. Face à une approche morale dont l’orientation fondamentale s’est (jésuitiquement ?) échouée dans la recherche de ce qui diminue ou élimine la responsabilité morale de ceux qui commettent des actes objectivement désordonnés, il faudra réagir avec la proposition d’une vie complètement bonne, rendue possible par la grâce divine et la bonne volonté de l’homme. La vie nouvelle que le Christ est venu apporter, communiquée et soutenue par la vie sacramentelle et la prière, est une puissance qui vient d'en haut, et non un misérable compromis de la fragilité humaine « ad excusandas excusationes in peccatis » (Ps 140, 4, Vulgate ). L’expression ironique et vivante avec laquelle Blaise Pascal, dans la sixième de ses Lettres provinciales , stigmatisait la nouvelle morale prêchée par certains milieux jésuites, reste toujours actuelle et descriptive du nouveau paradigme moral : « iam non peccant, licet ante peccaverint » (on ne pèche plus, alors qu’avant on péchait).

    Un autre fil conducteur qu’il est urgent de reprendre est sans aucun doute le rapport entre orthodoxie et orthopraxie , un thème qui ne concerne évidemment pas seulement la sphère de la vie morale chrétienne ; fil interrompu par un tel écart entre l'un et l'autre, qu'il fait du premier un objet de simple (et facultative) érudition, incapable d'éclairer et de donner forme au second. Dans ce contexte, au niveau de la sphère morale, la pratique s’est transformée en une recherche systématique d’exceptions à la doctrine, qui sert désormais de toile de fond de valeur inaccessible à quelques privilégiés.

    La doctrine n’est donc plus considérée comme la structure architecturale sur la solidité et la stabilité de laquelle se développe la vie , mais comme un ensemble d’enjeux flexibles, dont le sens est à éviter avec agilité. Partant du fait que la loi morale, en raison de son universalité, n'est pas en mesure de comprendre les particularités de l'acte concret qui est toujours circonstanciel (d'où la nécessité non seulement de la prudence, mais de la vertu en général, qui reconnaît et fait le bien par inclination), on en déduit à tort que l'acte moral, pour correspondre aux circonstances les plus variées et les plus différentes, peut et même doit aller au-delà de la « dureté » de la loi morale, en la contredisant de fait. Même l’usage du terme « discernement » et l’hypertrophie pathologique de la conscience ont fini par éroder le sens de la loi naturelle et par annuler l’existence des absolus moraux.

    Il s’agit de problèmes énormes, qui ont des conséquences pratiques dramatiques sur la vie et la destinée éternelle de millions de croyants ; la « vie en abondance » que le Seigneur est venu apporter (cf. Jn 10, 10) semble en effet s'être transformée en un filet d'eau malsaine, accueillie cependant, de manière erronée et trompeuse, comme le « bien possible » que l'homme pourrait concrètement offrir à Dieu. Le véritable « changement de paradigme » peut être résumé ainsi : le mal est bien et le bien est mal.

  • Sainte Jeanne Beretta Molla : une mère de famille et un médecin exemplaires (28 avril)

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    D'Evangile au Quotidien :

    Sainte Jeanne Beretta Molla
    Mère de famille, médecin exemplaire

    Gianna Beretta naît à Magenta (Milan) le 4 octobre 1922. Dès son enfance, elle accueille avec une adhésion totale le don de la foi et une éducation fortement chrétienne qu'elle reçoit de ses parents extraordinaires. Ceci la porte à considérer la vie comme un don merveilleux de Dieu, à avoir confiance en la Providence, à être certaine de la nécessité et de l'efficacité de la prière.

    Durant les années de lycée et d'université, alors qu'elle s'adonne avec sérieux aux études, elle traduit sa foi en s'engageant dans un apostolat généreux pour les jeunes de l'Action Catholique Italienne et charitable pour les personnes âgées et les pauvres avec la Conférence St-Vincent-de-Paul.

    Docteur en médecine et en chirurgie en 1949 à l'Université de Pavie, elle ouvre en 1950 un dispensaire à Mesero, près de Magenta. Elle se spécialise en pédiatrie à l'Université de Milan en 1952 et préfère parmi ses assistés les mamans, les enfants, les personnes âgées et les pauvres.

    Alors qu'elle remplit sa charge de médecin, qu'elle ressent et pratique comme une « mission », elle accroît encore son engagement dans l'Action Catholique, en se donnant sans compter pour les « plus jeunes ». En même temps, elle exprime en faisant du ski et de l'alpinisme sa grande joie de vivre et son bonheur de jouir de l'œuvre de Dieu dans la nature. Elle s'interroge, prie et fait prier pour sa vocation qu'elle considère aussi comme un don de Dieu. En choisissant l'appel au mariage, elle y répond avec tout son enthousiasme et elle s'y donne totalement : « pour former une famille vraiment chrétienne ».

    Elle se fiance avec l'Ingénieur Pietro Molla et, durant les fiançailles, elle est radieuse par son comportement et par son sourire. Elle en remercie sans cesse le Seigneur. Elle se marie le 24 septembre 1955 dans la basilique St-Martin à Magenta. Elle est une femme heureuse. En novembre 1956, elle devient maman pour la première fois : Pierluigi naît ; puis en décembre 1957, c'est Mariolina ; en juillet 1959, c'est Laura la troisième. Elle sait harmoniser avec simplicité et équilibre ses devoirs de mère, d'épouse, de médecin et sa grande joie de vivre.

    En septembre 1961, vers le 2ème mois d'une nouvelle grossesse, elle connaît la souffrance et le mystère de la douleur : un fibrome à l'utérus apparaît. Il faut l'opérer. Tout en sachant les risques que cela comporte de continuer la grossesse, elle supplie le chirurgien de ne pas recourir à l'avortement, mais de sauver la vie qu'elle porte en elle et elle se confie à la prière et à la Providence.

    La vie est sauve. Elle remercie le Seigneur et passe les 7 mois qui la séparent de la naissance avec une force d'âme incomparable et avec une ardeur de chaque instant comme mère et médecin. Anxieuse, elle craint que son bébé puisse naître souffrant et demande à Dieu que cela lui soit épargné.

    Quelques jours avant l'accouchement, tout en se confiant pleinement à la Providence, elle est prête à donner sa vie pour sauver celle de son enfant : « Si vous devez décider entre moi et l'enfant, n'hésitez pas : choisissez, et je l'exige, l'enfant. Sauvez-le ». Le matin du 21 avril 1962, Gianna Emanuela est née, saine et sauve.

    Le matin du 28 avril, malgré tous les efforts et les soins pour sauver aussi la mère, au milieu de douleurs indicibles, après avoir répété: « Jésus, je t'aime. Jésus, je t'aime », elle meurt saintement.

    Elle avait 39 ans. Son enterrement est une grande manifestation unanime de profonde émotion, de foi et de prière. Elle repose aujourd'hui au cimetière de Mesero, à 4 km de Magenta.

    « Immolation préméditée », c'est ainsi que saint Paul VI a défini le geste de Jeanne Beretta à l'Angélus du 23 décembre 1973 en évoquant « Une jeune mère du diocèse de Milan qui, pour donner la vie à sa fille, a sacrifié la sienne dans une immolation préméditée ». La référence christologique au Calvaire et à l'Eucharistie du Saint Père est évidente.

    Gianna Beretta Molla a été béatifiée le 24 avril 1994, lors de l'Année Internationale de la Famille, et canonisée, le 16 mai 2004, par saint Jean-Paul II (Karol Józef Wojtyła, 1978-2005).

    L'Ingénieur Pietro Molla, avec les enfants Pierluigi, Laura et la dernière fille Gianna Emanuela, étaient présents lors de la cérémonie : c’était la première fois, dans l’histoire millénaire de l’Église, qu’il se vérifiait un cas pareil.

     Pour un approfondissement biographique :
    >>> Sainte Gianna Beretta Molla, Mère de famille

    Cette mère italienne a sacrifié sa vie pour son bébé à naître

    et aussi : Sainte Gianna Beretta Molla donne la vie, au prix de la sienne

  • Un fou de Dieu

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    r_702_1.jpgLouis GRIGNION (source : www.abbaye-saint-benoit.ch) naît le 31 janvier 1673 à Montfort-sur-Meu (ou Montfort-la-Cane), petite ville à l'ouest de Rennes qui faisait partie à l'époque du diocèse de Saint-Malo (aujourd'hui de Rennes) en France. Il est baptisé le lendemain, 1er février. Son père, Jean-Baptiste Grignion, peu fortuné, est cependant de famille honorable, avocat au bailliage de Montfort. L'enfant est mis en nourrice chez une fermière; néanmoins sa mère, Jeanne Robert, tient à lui inculquer elle-même les premiers éléments de la piété. Des enfants qui survivront, Louis est l'aîné; il a six sœurs et deux frères. Deux de ses sœurs seront moniales et un frère, Dominicain. Il passe ses années d'enfance à Iffendic à quelques kilomètres de Montfort où son père a acheté une ferme appelée "Le Bois Marquer". Ecolier, il fréquente d'abord l'école de Montfort, puis, à douze ans, il va au collège des Jésuites de Rennes. Excellent élève, très pieux, spécialement envers la Sainte Vierge, il ajoute le nom de Marie au sien à l'occasion de sa confirmation: Déjà il se dévoue pour les pauvres et les malades. Par humilité, le jeune homme laisse son nom de Grignion pour s'appeler désormais Louis-Marie de Montfort. Ayant la vocation sacerdotale, il poursuit dans le même collège des études de philosophie et de théologie; puis grâce à une bienfaitrice, il peut envisager de monter à Paris pour entrer au séminaire en 1693. Il commence par refuser le cheval qu'on lui propose pour le voyage ; il ira à pieds. Sa mère lui donne un habit neuf et son père, dix écus. Mais il a tôt fait de tout distribuer ; il change ses habits pour ceux d'un pauvre et donne son argent, et c'est dans un accoutrement de mendiant qu'il arrive à Paris, à la stupéfaction de celle qui l'accueille. Du coup, celle-ci ne le fait pas entrer directement au séminaire mais l'oriente vers un stage pour le former aux usages ecclésiastiques. Une disette qui survient à Paris à la fin de cette même année 1693 oblige sa bienfaitrice à cesser le paiement de sa pension. Bientôt une maladie grave, occasionnée par la pauvreté du régime et l'accablement du travail, le conduisent à l'hôpital où son affaiblissement, aggravé par une sévère saignée, n'arrive pas à avoir raison de sa vie: il guérit selon sa prédiction. Vu sa valeur, on l'admet au "petit Saint-Sulpice" le séminaire des pauvres, en juillet 1695. Il y reste cinq ans. En tant que bibliothécaire, il dévore les Pères de l'Église, s'intéressant spécialement à tout ce qui concerne la Vierge Marie. En aucun d'eux il ne trouve – du moins explicitement – la doctrine qu'il dévoilera ensuite comme un "secret": le "saint Esclavage " de Jésus en Marie.

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  • Saint Louis-Marie Grignion de Monfort (28 avril)

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    http://www.youtube.com/watch?v=9NKIP2dtKyk

    "Saint Louis-Marie Grignion de Montfort avait un caractère difficile qui irrita certains de ses contemporains, lesquels conçurent à son encontre une profonde inimitié et l'accablèrent d'opprobres sa vie durant. Bien au-delà de cette rigueur qui lui interdisait toute compromission, il ne respirait que dans les églises et croyait de toute son âme à l'amour de Dieu pour l'homme, ne pouvant pas de ce fait ne pas croire en l'homme. Ce programme nous conduit à marcher sur les pas d'un saint non conformiste qui choisit le chemin de la confiance en la Providence. Aussi inclassable après sa mort qu'il le fût de son vivant. Un intrépide missionnaire pour qui l'amour de Marie tenait lieu de passion dominante. L'apôtre infatigable de Jésus crucifié. Un film réalisé par Armand Isnard. Une coproduction CAT Productions et KTO - 2011. / Émission du 27/04/2011."

  • François : comment la presse a construit l'image publique d'un pape à son image

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    De Gavin Ashenden sur le Catholic Herald :

    La compréhension sélective par les médias d'un pape complexe

    25 avril 2025

    La mort du pape François nous laisse avec des récits et des perspectives très différents sur sa personne et sur la manière dont nous pouvons évaluer sa vie et son pontificat. Nous devons tenter de concilier certaines des nombreuses contradictions que son pontificat a présentées à l'Église et au monde. Un élément source de confusion importante est la façon dont la presse l'a perçu.

    Nous avons l'impression paradoxale qu'il était peut-être plus populaire auprès de la presse laïque qu'auprès de l'Église. Il était presque universellement célébré par les médias. La réaction au sein de l'Église fut plus complexe.

    C’est la couverture médiatique et la manière dont elle a choisi de célébrer certains problèmes, tout en fermant les yeux sur d’autres qui semblaient incohérents, qui ont été déterminantes pour forger la réputation du pape François de son vivant et à titre posthume.

    On peut se demander pourquoi les médias, si longtemps méfiants et pleins de ressentiment envers le catholicisme, ont réservé un tel accueil au pape François.

    La presse a dépeint Benoît XVI comme le « Rottweiler de Dieu » pur et dur, car ses dons intellectuels et sa réserve personnelle s'accordaient mal avec le sentiment populiste. Si certains de ses travaux sur l'économie redistributive l'avaient jugé, la gauche aurait pu le considérer, en matière de redistribution sociale, comme l'un des siens.

    Cela pourrait indiquer que la presse est guidée par les sentiments et les jugements superficiels. Or, le pape François a excellé dans sa manière de livrer à la presse des commentaires explosifs, inspirés par le sentiment, sans trop les inquiéter de la complexité du contenu. 

    Il serait trop simpliste de supposer qu’il cherchait simplement à rendre la foi plus conforme à leur vision du monde en la diluant, car avec le recul (à l’exception de la peine de mort), il n’a pas beaucoup changé.

    Et pourtant, il avait la capacité de « lire la salle » et de trouver le moyen de toucher une corde sensible populiste d’une manière qui gagnait la confiance et la sympathie du public.

    Certaines de ses phrases étaient étonnamment efficaces, même si, examinées de plus près, elles ne supportaient pas le poids d'un examen minutieux.

    Il avait notamment le don de présenter une image de compassion sans jugement, avec juste une touche de teinte progressiste à laquelle le monde laïc répondait avec un accueil instinctif et surtout sans poser trop de questions.

    Sa remarque apparemment improvisée « Qui suis-je pour juger ? » prononcée lors d’une conférence de presse informelle en vol, pourrait à elle seule être considérée comme ayant défini son image publique. 

    Pourquoi la culture laïque réagit-elle si vigoureusement à l'absence de jugement lorsqu'elle en trouve un ? En partie parce que sa prétendue haine du jugement est un symptôme de son rejet de l'éthique traditionnelle. La retenue éthique interfère avec l'hédonisme et est donc taboue. Et les catholiques font preuve de retenue.

    Aux oreilles des médias, « Qui suis-je pour juger ? » sonne comme un signal que l’éthique catholique a été abandonnée et remplacée par la sanction de « tout ce qui compte, c’est la sincérité », qui, avec « ne pas vouloir nuire », est l’une des rares normes éthiques que la modernité est prête à tolérer.

    En réalité, « Qui suis-je pour juger ? » était une remarque soigneusement décortiquée qui, lue dans son contexte, véhicule un message bien différent de l'image universelle que lui véhiculent les médias. Mais son caractère émotionnel a complètement dépassé les limites du contexte et est devenu un mème festif à part entière. Cela n'a rien changé à l'enseignement de l'Église, mais a donné l'impression que cet enseignement avait changé ou était en train de changer. Et la presse s'en est délectée, l'ayant relayée sans relâche.

    Plusieurs des remarques judicieuses du pape sont devenues des slogans. En 2013, il a déclaré avec émotion : « Comme je voudrais une Église pauvre et pour les pauvres ! » Cette déclaration a immédiatement été perçue comme un antidote à l’image publique selon laquelle l’Église était inexcusablement riche et irresponsablement puissante.

    Outre sa volonté, largement médiatisée, d'utiliser les transports en commun en tant qu'évêque argentin et d'accueillir les marginalisés partout où il les rencontrait, cette attitude fut accueillie très favorablement et devint un signe d'humilité et d'intégrité. Lorsqu'il annonça qu'il vivrait à la Casa Santa Marta plutôt que dans les appartements pontificaux, la célébration publique de ses valeurs pragmatiques fut extatique. « On ne peut venir que par petits groupes (dans les appartements officiels), et je ne peux pas vivre sans les autres », expliqua-t-il. « J'ai besoin de vivre ma vie avec les autres. » 

    Mais les observateurs de la vie à la Maison Sainte-Marthe ont suggéré qu'une autre version des faits était, au moins en partie, à l'œuvre. Ils ont souligné que l'un de ses traits de personnalité les plus marquants était son besoin de microgestion. Pour cela, il avait besoin d'être au courant des autres et de ce qu'ils disaient. L'échelle entre la collecte d'informations et le plaisir des ragots est subtile, mais le besoin d'être informé et de garder le contrôle a peut-être joué un rôle important, parallèlement à son humilité, dans sa volonté d'éviter l'isolement et l'exclusion dans les appartements pontificaux.

    À y regarder de plus près, cette humilité était un peu mitigée. Mais bien sûr, la presse n'a pas proposé d'analyse plus approfondie.

    Il existe une vidéo montrant une file de sympathisants venant lui rendre hommage et embrasser son anneau papal. Cela signifiait clairement beaucoup pour ceux qui faisaient la queue, même si cela offensait son humilité. Le langage corporel était affreux. On voyait le pape retirer sa main avec impatience au moment même où chacun la prenait. Cela ressemblait plus à de l'irritabilité qu'à de l'humilité. Mais qui sommes-nous pour juger ? La presse a décidé de l'ignorer.

    Il est vrai que le pape François s'est montré assidu à prendre des mesures judicieuses pour aider les personnes marginalisées lorsqu'il le pouvait. Sa mise à disposition de douches et d'installations pour les sans-abri à Rome a une fois de plus été saluée, reconnue et relayée par la presse. Cela leur a beaucoup plu, car cela correspondait à l'image qu'ils se faisaient de lui. Ainsi, pratiquant une dissonance cognitive prononcée, ils ont passé sous silence ses remarques sur d'autres dogmes, notamment l'avortement. Pourtant, celles-ci étaient aussi chargées d'émotion qu'intransigeantes et ont été totalement ignorées.

    L’avortement, « c’est comme engager un tueur à gages… »

    « … J'ai récemment eu l'occasion de revenir sur le sujet de l'avortement. Vous savez que je suis très clair à ce sujet : c'est un homicide et il est interdit d'en être complice. »

    Nous sommes victimes de la culture du jetable… On jette des enfants que l'on ne veut pas accueillir. Aujourd'hui, c'est devenu normal, une habitude très mauvaise ; c'est un véritable meurtre. Pour bien comprendre cela, peut-être que deux questions peuvent nous aider : est-il juste d'éliminer, de mettre fin à une vie humaine pour résoudre un problème ? Est-il juste d'engager un tueur à gages pour résoudre un problème ?

    Sur d’autres questions controversées, il pouvait être et était également très clair :

    « L'idéologie du genre ? C'est le plus grand danger ; elle ressemble à la méthode de formation des Jeunesses hitlériennes. »

    Y aura-t-il des femmes prêtres ou diacres ? « Non. »

    Le célibat ecclésiastique sera-t-il aboli ? « Je ne le ferai pas. »

    Les couples homosexuels peuvent-ils être bénis ? « Ce sont les personnes qui sont bénies, pas l’union. Le mariage et la famille naissent d’un homme et d’une femme. »

    Euthanasie et suicide assisté ? « Ce sont des pratiques à rejeter, issues de la culture du jetable. »

    Et l'utérus loué ? « C'est de l'esclavage moderne. »

    Les nombreuses nécrologies du pape François démontrent la tension qui a surgi du mélange de slogans progressistes accompagnés de ce qui semblait être un désir de secouer l’institution tout en restant totalement orthodoxe sur certaines questions éthiques brûlantes. 

    Il y avait de quoi plaire et exaspérer tout le monde. Les progressistes allemands se réjouissaient des ambiguïtés introduites autour des bénédictions homosexuelles et étaient furieux de la résistance aux attaques féministes contre le diaconat. Les traditionalistes étaient dévastés par la campagne éclair inexpliquée contre la messe latine, mais rassurés par la clarté sur l'avortement. « Qui suis-je pour juger ? » a conquis le cœur de ceux qui souhaitaient une évolution vers la solidarité LGBTQ+, mais est devenu plus problématique lorsqu'il a été appliqué au viol présumé de religieuses par le père Marko Rupnik et à la complicité pour cacher d'autres agresseurs sexuels du clergé.

    Tout cela ne correspondait pas non plus au récit que les médias avaient construit sur François, et n’a donc pas été largement rapporté.

    La presse avait construit l'image publique du pape à son image, et elle était et est toujours réticente à laisser d'autres faits ou informations perturber ce qu'elle trouvait si confortable et réconfortant. Comme toujours, la réputation comme la beauté dépendent du regard de celui qui regarde.

  • Le cardinal Burke propose une neuvaine en vue du conclave

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    Du blog de Jeanne Smits :

    Le cardinal Burke propose une neuvaine en vue du conclave, depuis ce 26 avril au 5 mai


    Le cardinal Raymond Burke, cardinal électeur au conclave qui devrait s’ouvrir dans quelques jours, exhorte les fidèles à prier pour l’Eglise en ces jours graves. Voici la traduction française officielle de la prière qu’il a composée pour une neuvaine commençant aujourd’hui, ce 26 avril, et prenant fin le 5 mai prochain. Je la publie ci-dessous avec l’aimable autorisation de Son Eminence.
    Neuvaine pour le Sacré Collège des cardinaux rassemblés en vue du conclave pour élire le Pontife romain 
    26 avril – 5 mai, 2025 
    Me voici à genoux à vos pieds, ô Vierge Mère de Dieu, Notre-Dame de Guadalupe, mère compatissante de tous ceux qui vous aiment, qui vous implorent, qui vous cherchent et qui ont mis leur confiance en vous. Je viens vous supplier pour l’Église au moment où elle traverse une période de grandes épreuves et de grands dangers. De même que vous êtes venue au secours de l’Église à Tépotzátlan en 1531, daignez intercéder pour le Sacré Collège des cardinaux réuni à Rome pour élire le successeur de saint Pierre, Vicaire du Christ et Pasteur de l’Église universelle. 
    En cette période de tumulte pour l’Église et pour le monde, plaidez auprès de votre Divin Fils afin que les cardinaux de la Sainte Église romaine, son Corps mystique, obéissent humblement aux inspirations du Saint-Esprit. Puissent-ils, par votre intercession, choisir l’homme le plus digne d’être le Vicaire du Christ sur terre. Avec vous, je mets toute ma confiance en Celui qui, seul, est notre secours et notre salut. Amen. 
    Cœur de Jésus, salut de ceux qui placent leur confiance en vous, avez pitié de nous ! 
    Notre Dame de Guadalupe, Vierge Mère de Dieu et Mère de la Divine Grâce, priez pour nous ! 
    Cardinal Raymond Leo BURKE
    24 avril 2025
    (Je remarque que le dernier jour de la neuvaine tombe le 5 mai, fête liturgique de saint Pie V dans le rite traditionnel. Que ce pape, dont le pontificat fut marquée par l’unification de la liturgie latine et le combat victorieux de Lépante sur les Ottomans par la puissance du Rosaire, nous obtienne un digne et saint successeur de saint Pierre ! – J.S.)
  • Les quatre voeux du cardinal Ruini pour l'avenir proche de l'Eglise

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    De Sandro Magister sur Settimo Cielo (en français sur diakonos.be) :

    Card. Ruini : quatre conditions sine qua non pour le bon gouvernement de l’Église

    Le cardinal Camillo Ruini offre cette « prière » aux cardinaux qui, dans quelques jours, entreront en conclave pour élire le prochain pape.

    Mais il l’offre également à l’ensemble du peuple chrétien que le prochain successeur de Pierre sera chargé de « confirmer dans la foi ».

    À 94 ans, Ruini a été le cardinal le plus proche de Jean-Paul II, dont il était vicaire pour le diocèse de Rome, en plus d’avoir présidé la Conférence épiscopale italienne. Il a été parmi les grands électeurs et admirateurs de Benoît XVI, dont il rappelle dans cet écrit la valeur mais également une limite : sa « piètre aptitude à gouverner ».

    Une limite dont le futur pape ferait bien de se garder.

    *

    Prière pour l’Église de l’avenir proche

    de Camillo Card. Ruini

    L’héritage du Pape François est une question qui agite et interpelle en profondeur l’Église. Dans ces quelques lignes, je l’aborderai dans une perspective confiante, parce que fondée sur la puissance miséricordieuse de Dieu qui guide nos pas sur le chemin du bien.

    Je formulerai quatre vœux – qui sont également des appels – pour l’Église d’un avenir que j’espère très proche. Je mets mon espoir en une Église bonne et charitable, doctrinalement sûre, gouvernée selon les normes du droit, profondément unie en son sein. Telles sont mes intentions de prière que je souhaiterais partager largement.

    1. En premier lieu, donc, une Église bonne et charitable. L’amour rendu efficace dans la vie est en effet la loi suprême du témoignage chrétien et dans de l’Église. Il est ce à quoi les gens, aujourd’hui encore, aspirent le plus. Éliminons donc de notre manière de gouverner toute dureté inutile, toute mesquinerie et toute sécheresse de cœur.

    2. Comme l’a écrit Benoît XVI, la foi est aujourd’hui une flamme qui menace de s’éteindre. Raviver cette flamme est donc une autre priorité majeure pour l’Église. Il faut pour cela beaucoup prier, il faut la capacité de répondre sur une note chrétienne aux défis intellectuels d’aujourd’hui, mais il faut également la certitude de la vérité et de la doctrine. Depuis trop longtemps, nous avons fait l’expérience que quand ces dernières s’affaiblissent, nous tous, pasteurs et fidèles, en pâtissons durement.

    3. Il y a ensuite la question du gouvernement. Le pontificat de Benoît XVI a été marqué par sa piètre aptitude à gouverner et il s’agit là d’un point d’attention valable en tout temps, y compris dans un avenir proche. Prenons garde à ne pas oublier qu’il s’agit de gouverner cette réalité très spéciale qu’est l’Église. Là encore, comme je l’ai dit, la loi fondamentale, c’est l’amour : le style de gouvernement et le recours au droit doivent être le plus conforme possible à cette loi, particulièrement exigeante pour chacun.

    4. Ces dernières années, nous avons éprouvé certaines menaces – que je ne voudrais pas exagérer – pour l’unité et la communion de l’Église. Afin de les surmonter et de faire apparaître en pleine lumière ce que je me plais à appeler la « forme catholique » de l’Église, la charité réciproque est, une fois encore, décisive, mais il est tout aussi important de raviver la conscience que l’Église, à l’instar de tout corps social, a ses propres règles, que nul ne peut ignorer impunément.

    À l’âge de 94 ans, le silence convient mieux que les mots. J’espère cependant que ces quelques lignes puissent être un petit fruit du bien que je veux à l’Église.

    ———

    Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l’hebdomadaire L’Espresso.
    Tous les articles de son blog Settimo Cielo sont disponibles sur diakonos.be en langue française.
    Ainsi que l’index complet de tous les articles français de www.chiesa, son blog précédent.

  • L'homélie du Cardinal Giovanni Battista Re lors des funérailles du pape François

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    Du Site de l'Eglise catholique de France :

    Funérailles du pape François : homélie du Cardinal Giovanni Battista Re

    Homélie prononcée par le Cardinal Giovanni Battista Re, Doyen du Collège des Cardinaux pour la messe de funérailles du pape François (1936-2025) qu’il a présidée, célébrée avec 700 cardinaux, 4000 prêtres et 250 000 fidèles.

    Sur cette majestueuse place Saint-Pierre, où le pape François a célébré tant de fois l’Eucharistie et présidé de grandes rencontres au cours de ces 12 années, nous sommes rassemblés en prière autour de sa dépouille mortelle, le cœur triste, mais soutenus par les certitudes de la foi, qui nous assure que l’existence humaine ne s’achève pas dans la tombe, mais dans la maison du Père, dans une vie de bonheur qui ne connaîtra pas de crépuscule.

    Au nom du Collège des Cardinaux, je remercie cordialement chacun d’entre vous pour votre présence. Avec une profonde émotion, j’adresse un salut respectueux et mes vifs remerciements aux chefs d’État, aux chefs de gouvernement et aux délégations officielles venus de nombreux pays pour exprimer leur affection, leur vénération et leur estime envers le Pape qui nous a quittés. Le plébiscite des manifestations d’affection et de participation, que nous avons vu ces derniers jours après son passage de cette terre vers l’éternité, nous montre à quel point le pontificat intense du pape François a touché les esprits et les cœurs.

    Sa dernière image, qui restera gravée dans nos yeux et dans nos cœurs, est celle de dimanche dernier, jour de la solennité de Pâques, lorsque le pape François, malgré ses graves problèmes de santé, a voulu nous donner la bénédiction depuis le balcon de la basilique Saint-Pierre, puis est descendu sur cette place pour saluer depuis la papamobile découverte toute la foule venue assister à la messe de Pâques.

    Par notre prière, nous voulons maintenant confier l’âme du bien-aimé Pontife à Dieu, afin qu’Il lui accorde la félicité éternelle dans l’horizon lumineux et glorieux de son immense amour. La page de l’Évangile, où résonne la voix même du Christ interpellant le premier des Apôtres, nous éclaire et nous guide : “Pierre, m’aimes-tu plus que ceux-ci ?”. Et la réponse de Pierre fut immédiate et sincère : “Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t’aime”. Et Jésus lui confia la grande mission : “Pais mes brebis”. Ce sera là la tâche constante de Pierre et de ses successeurs, un service d’amour à la suite du Maître et Seigneur Jésus-Christ qui « n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mc 10, 45).

    Malgré sa fragilité dernière et sa souffrance, le pape François a choisi de suivre cette voie du don jusqu’au dernier jour de sa vie terrestre. Il a suivi les traces de son Seigneur, le bon Pasteur, qui a aimé ses brebis jusqu’à donner sa vie pour elles. Et il l’a fait avec force et sérénité, proche de son troupeau, l’Église de Dieu, en se souvenant de la phrase de Jésus citée par l’apôtre Paul : « Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Ac 20, 35).

    Lorsque le Cardinal Bergoglio a été élu le 13 mars 2013 par le Conclave pour succéder au pape Benoît XVI, il avait derrière lui des années de vie religieuse dans la Compagnie de Jésus et surtout il était enrichi par l’expérience de 21 ans de ministère pastoral dans l’archidiocèse de Buenos Aires, d’abord comme auxiliaire, puis comme coadjuteur et enfin, surtout, comme archevêque.

    La décision de prendre le nom de François est immédiatement apparue comme le choix d’un programme et d’un style sur lesquels il souhaitait fonder son pontificat, en cherchant à s’inspirer de l’esprit de saint François d’Assise. Il a conservé son tempérament et sa manière de guider son troupeau, et a immédiatement imprimé sa forte personnalité dans la gouvernance de l’Église, en établissant un contact direct avec les individus et les populations, désireux d’être proche de tous, avec une attention particulière pour les personnes en difficulté, se dépensant sans compter, en particulier pour les plus démunis, les exclus.

    Il a été un pape parmi les gens, avec un cœur ouvert à tous. Il a également été un pape attentif à ce qui émergeait de nouveau dans la société et à ce que l’Esprit Saint suscitait dans l’Église. Avec son vocabulaire caractéristique et son langage riche en images et en métaphores, il a toujours cherché à éclairer les problèmes de notre temps par la sagesse de l’Évangile, en offrant une réponse à la lumière de la foi et en encourageant à vivre en chrétiens les défis et les contradictions de ces années de changements, qu’il aimait qualifier de “changement d’époque”. Il avait une grande spontanéité et une manière informelle de s’adresser à chacun, même aux personnes éloignées de l’Église.

    Riche de chaleur humaine et profondément sensible aux drames actuels, le pape François a véritablement partagé les angoisses, les souffrances et les espoirs de notre époque de mondialisation, et s’est dépensé pour réconforter et encourager chacun par un message capable de toucher le cœur des gens de manière directe et immédiate. Son charisme de l’accueil et de l’écoute, unis à une manière d’être en phase avec la sensibilité d’aujourd’hui, a touché les cœurs, cherchant à réveiller les énergies morales et spirituelles. Le primat de l’évangélisation a été le guide de son pontificat, diffusant, avec une empreinte missionnaire évidente, la joie de l’Évangile, qui a été le titre de sa première exhortation apostolique Evangelii gaudium. Une joie qui remplit de confiance et d’espérance le cœur de tous ceux qui se confient à Dieu.

    Le fil conducteur de sa mission a également été la conviction que l’Église est une maison pour tous, une maison dont les portes sont toujours ouvertes. Il a souvent utilisé l’image de l’Église comme “hôpital de campagne” après une bataille qui a fait de nombreux blessés ; une Église désireuse de prendre en charge avec détermination les problèmes des personnes et les grandes souffrances qui déchirent le monde contemporain ; une Église capable de se pencher sur chaque homme, au-delà de toute croyance ou condition, pour soigner ses blessures. Ses gestes et ses exhortations en faveur des réfugiés et des personnes déplacées sont innombrables.

    Son insistance à œuvrer en faveur des pauvres a également été constante. Il est significatif que le premier voyage du pape François ait été celui à Lampedusa, île symbole du drame de l’émigration avec des milliers de personnes noyées en mer. Dans la même ligne, il y a eu également le voyage à Lesbos, avec le patriarche œcuménique et l’archevêque d’Athènes, ainsi que la célébration d’une messe à la frontière entre le Mexique et les États-Unis, à l’occasion de son voyage au Mexique.

    Parmi ses 47 voyages apostoliques intenses, celui qu’il a effectué en Irak en 2021, au péril de sa vie, restera particulièrement gravé dans les mémoires. Cette difficile visite apostolique a été un baume sur les plaies ouvertes du peuple irakien, qui a tant souffert des actes inhumains de Daech. Ce voyage a également été important pour le dialogue interreligieux, autre dimension importante de son œuvre pastorale.

    Avec sa visite apostolique de 2024 dans quatre pays d’Asie- Océanie, le pape a atteint “la périphérie la plus périphérique du monde”. Le pape François a toujours mis au centre l’Évangile de la miséricorde, soulignant à plusieurs reprises que Dieu ne se lasse pas de nous pardonner : Il pardonne toujours, quelle que soit la situation de celui qui demande pardon et revient sur le droit chemin. Il a voulu le Jubilé extraordinaire de la Miséricorde, afin de mettre en évidence que la miséricorde est “le cœur de l’Évangile”. Miséricorde et joie de l’Évangile sont deux mots clés du pape François.

    En opposition à ce qu’il a défini comme “la culture du déchet”, il a parlé de la culture de la rencontre et de la solidarité. Le thème de la fraternité a traversé tout son pontificat avec des accents vibrants. Dans la lettre encyclique Fratelli tutti, il a voulu faire renaître une aspiration mondiale à la fraternité, car nous sommes tous enfants du même Père qui est aux cieux. Il a souvent rappelé avec force que nous appartenons tous à la même famille humaine. En 2019, lors de son voyage aux Émirats arabes unis, le pape François a signé un document sur la “Fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune”, rappelant la paternité commune de Dieu.

    S’adressant aux hommes et aux femmes du monde entier, la lettre encyclique Laudato si’ a attiré l’attention sur les devoirs et la coresponsabilité envers notre maison commune. “Personne ne peut se sauver seul”. Face à la fureur des nombreuses guerres de ces dernières années, avec leurs horreurs inhumaines, leurs innombrables morts et destructions, le pape François n’a cessé d’élever la voix pour implorer la paix et appeler à la raison, à des négociations honnêtes afin de trouver les solutions possibles, car la guerre, disait-il, n’est que mort d’êtres humains, destruction de maisons, d’hôpitaux et d’écoles.

    La guerre laisse toujours le monde pire qu’il n’était auparavant : elle est toujours une défaite douloureuse et tragique pour tous. “Construire des ponts et non des murs” est une exhortation qu’il a répétée à plusieurs reprises et son service de foi en tant que Successeur de l’Apôtre Pierre a toujours été lié au service de l’homme dans toutes ses dimensions. En union spirituelle avec toute la Chrétienté, nous sommes nombreux ici à prier pour le pape François afin que Dieu l’accueille dans l’immensité de son amour. Le pape François avait l’habitude de conclure ses discours et ses rencontres en disant : “N’oubliez pas de prier pour moi”.

    Cher Pape François, nous te demandons maintenant de prier pour nous et que, du ciel, tu bénisses l’Église, bénisses Rome, bénisses le monde entier, comme tu l’as fait dimanche dernier depuis le balcon de cette basilique, dans une dernière étreinte avec tout le peuple de Dieu, mais aussi, idéalement, avec l’humanité qui cherche la vérité avec un cœur sincère et qui tient haut le flambeau de l’espérance.

  • Quasi modo... Comme des enfants nouveau-nés, alléluia!

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    Introitus Introit
    1 Petri 2, 2  
    QUASI modo géniti infántes, allelúia: rationábile, sine dolo lac concupíscite, allelúia, allelúia, allelúia. Ps. 80, 2 Exsultáte Deo adiutóri nostro: iubiláte Deo Iacob. ℣. Glória Patri. Comme des enfants nouveau-nés, alléluia : en vrais spirituels, soyez avides de lait pur, alléluia, alléluia, alléluia. Ps. 80,2 Chantez avec allégresse Dieu notre protecteur, acclamez le Dieu de Jacob. ℣. Gloire au Père.