De Riccardo Cascioli sur la NBQ :
Lettre de Benoît XVI : La volonté de ne pas comprendre
L'objectif de la publication de la lettre de démission du pape émérite dans un livre n'est pas de raviver des controverses endormies : elle fait partie d'une correspondance qui sert d'outil de réflexion sur une transition historique dans l'Église qui doit être explorée plus avant.
Les réactions à la lettre de Benoît XVI d'août 2014 à l'archevêque Nicola Bux concernant sa démission de la papauté, contenues dans le livre « Réalité et utopie dans l'Église », publié par Bussola , continuent de faire la une des journaux. Cependant, à côté de réflexions sérieuses et de critiques fondées, circulent également des informations fausses et des déformations de discours ou d'interventions sorties de leur contexte, créant une confusion accrue.
Il est donc important de clarifier, d’une part, le contexte dans lequel la lettre a été publiée et sa véritable signification, et, d’autre part, une clarification nécessaire concernant un extrait d’une interview de Monseigneur Bux datant de 2018 qui circule pour démontrer une prétendue contradiction avec ce qui est affirmé aujourd’hui.
Le premier point à clarifier – et qui sous-tend tout le reste – est que la validité de la démission de Benoît XVI et de l'élection de François n'est pas remise en question. Surtout, et c'est le plus important, aucun cardinal n'a jamais contesté ni l'une ni l'autre : aucune critique des actions du pape Ratzinger ou des choix du pape Bergoglio n'a jamais remis en question l'acceptation de la décision de l'un ni la légitimité de l'autre.
De ce point de vue, la lettre du pape émérite, désormais publiée, qui répond aux objections et aux préoccupations soulevées par ses proches, tranche définitivement la question des intentions de Benoît XVI concernant la plénitude de sa démission et la liberté avec laquelle il a pris cette décision. Autrement dit, elle exclut toute distinction entre munus et ministerium , qui ont été à la base de diverses thèses « benepapistes », selon la définition de l'écrivain et apologiste américain Steven O'Reilly , ou de thèses sédévacantistes de toute nature. Cependant, il est également juste de dire que Benoît XVI s'est déjà exprimé de diverses manières sur la démission et la liberté par le passé. Ainsi, quiconque prétend que la publication de cette lettre il y a des années aurait évité tant d'excès ment : il suffit de voir les réactions de certains milieux aujourd'hui.
C'est précisément pour cette raison qu'il est important de comprendre que l'objectif de cette publication n'est pas de rouvrir un chapitre de controverse latente, mais d'offrir un outil de réflexion sur une transition historique de l'Église qui reste à explorer. Il est donc surprenant que des soi-disant experts commentent la publication de la lettre sans considérer qu'elle s'inscrit dans une correspondance plus vaste (qu'ils n'ont manifestement pas lue), qui comprend la lettre à laquelle Benoît XVI a répondu et le commentaire qui en découle. La lettre remise au pape émérite par Mgr Bux lors d'une audience contient une liste de questions et de préoccupations concernant les modalités de la démission et l'institution de la papauté émérite ; et le commentaire de la lettre de Benoît XVI met en évidence des points critiques, allant jusqu'à affirmer – « avec tristesse » – que « la démission de Benoît XVI a gravement porté préjudice à l'institution de la papauté ».
C'est donc la correspondance dans son ensemble qu'il faut lire et comprendre.
Une objection a été soulevée à ce sujet en citant une interview de 2018 sur le blog d'Aldo Maria Valli, dans laquelle Mgr Bux déclarait qu'« il serait plus facile d'examiner et d'étudier (...) la question de la validité juridique de la démission du pape Benoît XVI ». Cette phrase a été répétée d'un article à l'autre, arguant que, malgré la lettre du pape émérite en sa possession depuis quatre ans, Mgr Bux continuait de douter de la validité de la démission de Benoît XVI. En réalité, cette citation est sortie de son contexte, car le long entretien abordait la question du « pape hérétique », un sujet soulevé par divers partis suite à certaines déclarations du pape François. Bux a expliqué, retraçant également l'histoire de l'Église, toutes les difficultés d'une telle question, tant pour définir précisément l'hérésie que pour déterminer qui a le pouvoir de juger le pape. Le Premier Siège, a-t-il déclaré, ne peut être jugé par personne.
En fin de compte, seuls les papes suivants peuvent juger leurs prédécesseurs.
La référence à la démission de Benoît XVI s'inscrit donc dans ce débat et doit être mise en relation avec le tollé provoqué par un discours du secrétaire du pape Benoît XVI, Mgr Georg Gänswein, qui, lors de la présentation d'un livre, avait parlé d'un « pontificat élargi ». C'est pourquoi Bux, dans sa réponse à Valli, évoque l'idée d'un pontificat collégial, qu'il juge contraire au « précepte de l'Évangile ». Il faut également préciser que c'est Gänswein lui-même, des années plus tard, dans son livre Rien que la vérité (2023), qui a rétracté cette expression : il explique ainsi qu'il entendait « atténuer » les propos de Benoît XVI lors de la dernière audience générale du 27 février 2013, lorsqu'il avait déclaré que « le renoncement à l'exercice actif du ministère ne révoque pas » l'acceptation du pontificat comme un engagement « toujours et pour toujours avec le Seigneur ». Cette expression avait certes créé une « ambiguïté indésirable », mais « je dois admettre », écrivait Gänswein, « que le raccommodage était pire que le trou ». Cependant, Gänswein explique plus loin : « Le sens initial était simplement qu'il ne serait plus théologien ni professeur, qu'il ne reviendrait jamais à ce qu'il aimait vraiment. »
C'est donc dans ce contexte qu'il faut comprendre la phrase « incriminante » de Mgr Bux, qui, d'ailleurs, dans son commentaire sur la lettre de Benoît XVI, se réfère à la préface qu'il a écrite au livre de Federico Michielan, Non era più lui, publié par Fede e Cultura, où il a exploré en profondeur tous ces aspects.