De Sandro Magister sur Settimo Cielo (Diakonos.be) :
La paix en Terre sainte. Le patriarche de Jérusalem en indique le chemin
Selon le cardinal Pierbattista Pizzaballa, une tragédie « sans précédent » est en train de se dérouler en Terre sainte. Sans précédent et sans solution écrite à l’avance, d’une gravité unique au monde. Parce que le poids des douleurs, des conflits et des incompréhensions accumulés dans le temps est tel qu’une paix véritable ne pourra y germer « qu’après un long parcours de purification de la mémoire », politique et religieuse.
Âgé de 59 ans, originaire de Bergame, frère franciscain, spécialiste de la Bible et du judaïsme et pendant douze ans custode de Terre sainte, le P. Pizzaballa est depuis 2016 le patriarche latin de Jérusalem. Le 10 octobre 2023, trois jours après le massacre perpétré par le Hamas qui a fait plus de 1200 victimes innocentes et après l’enlèvement de plus de 240 personnes de tous âges, il s’était offert lui-même en échange de la liberté des enfants pris en otage. Son nom figure sur la liste pour un futur conclave.
Il a partagé son opinion sur la guerre en cours à Gaza et sur le rôle que l’Église peut y jouer dans la « lectio magistralis » qu’il a tenue à Rome le 2 mai dernier à l’aula magna de l’Université pontificale du Latran, intitulée « Caratteri e criteri per una pastorale della pace », ainsi que, plus brièvement, dans l’homélie de la messe de sa prise de possession de l’Église romaine qui lui a été assignée en tant que cardinal, celle de Sant’Onofrio au Janicule.
Il serait bon de tenir compte de cette « lectio », tant elle est originale et exigeante, appliquée à une situation indéchiffrable à bien des aspects. Il n’y a en effet ni analyse ou solution, parmi celles qui sont sur la table pour les Juifs et les Palestiniens, qui ne se révèle irréaliste ou contradictoire. Même la solution à deux États, qu’on ne cesse d’évoquer, n’est que pure abstraction dans l’état actuel des choses.
Le P. Pizzaballa souhaite avant tout rendre tout son sens au mot « paix ». Il s‘agit « d’une réalité qui vient de Dieu et de la relation avec lui », c’est « l’accomplissement des promesses messianiques », c’est la paix « annoncée par Jésus ressuscité ». Donc « toute action pastorale de l’Église, tout comme chacune de ses œuvres sociales, ne peut jamais être en aucune façon déconnectée de l’évangélisation ». Et celui qui évangélise sait qu’il doit « annoncer la paix aux ennemis, précisément comme Pierre le fit à Corneille, qui était – et il ne faut jamais l’oublier à cette époque – centurion des forces militaires d’occupation de sa terre ».
Il faut aller à la rencontre du frère-ennemi même en ayant conscience de ses propres limites, de sa propre faiblesse, comme Jacob qui, quant il embrassa Ésaü, était boiteux et exténué après sa lutte avec l’ange, et pourtant il était parvenu à s’exclamer : « J’ai vu ton visage comme on voit le visage de Dieu » (Genèse 33, 10).