De sur le CWR :
Un nouveau modèle de conclave ?
En ce moment délicat de l’histoire catholique, des questions fondamentales de doctrine, de morale et de pratique pastorale sont contestées.
Quels pourraient être ces changements ?
Depuis le motu proprio de Paul VI de 1970, Ingravescentem Aetatem, les cardinaux de plus de 80 ans ne peuvent pas voter au conclave pour élire un nouveau pape. Pourtant, ces éminents cardinaux restent membres des Congrégations générales des cardinaux, qui se réunissent pour examiner l'état de l'Église entre la vacance de la chaire de Pierre et la clôture du conclave lui-même. Ces voix éminentes, sans droit de vote, peuvent s'avérer influentes. En 2013, par exemple, le cardinal Cormac Murphy-O'Connor, archevêque émérite de Westminster âgé de 80 ans, a contribué à rallier des soutiens à la candidature de celui qui est devenu le pape François.
En décembre dernier, j'ai évoqué la possibilité d'exclure les cardinaux de plus de 80 ans des futures Congrégations générales avec un cardinal très respecté (lui-même âgé de plus de 80 ans), qui a averti qu'une telle prétendue « réforme » « priverait l'Église de sa mémoire ». J'ajouterais : « … et une grande sagesse. »
Comment le processus de sélection d'un nouveau pape serait-il amélioré en refusant la parole à des hommes comme le cardinal Francis Arinze du Nigéria ? Ou le cardinal Joseph Zen de Hong Kong ? Ou le cardinal Camillo Ruini, ancien vicaire de Rome ? Ou les cardinaux Angelo Scola et Marc Ouellet, qui ont obtenu un nombre important de voix en 2013 ? Ou le cardinal Walter Brandmüller, éminent historien ? Ou le cardinal Angelo Bagnasco, ancien président du Conseil des conférences épiscopales d'Europe ? Ou le cardinal Wilfrid Fox Napier d'Afrique du Sud ? Ou le cardinal Stanisław Dziwisz, ancien secrétaire de saint Jean-Paul II ? Ou le cardinal Dominik Duka, archevêque émérite de Prague ? Ou le cardinal Seán O'Malley, fondateur et actuel président de la Commission pontificale pour la protection des mineurs ?
Selon une autre rumeur de « réforme », les discussions lors des futures Congrégations générales (probablement réservées aux cardinaux de moins de 80 ans) seraient menées selon le modèle de la « Conversation dans l’Esprit » utilisé lors des récents synodes. Une telle « réforme » susciterait certainement un profond ressentiment et pourrait rencontrer une forte résistance, car elle impliquerait des « facilitateurs » dans un processus longtemps réservé aux cardinaux. De plus, le processus de « Conversation » est artificiel et manipulateur. Il ne permet aucun véritable débat sur les différences de point de vue ou de jugement. Et, par sa nature même, il produit un « accord » sur le plus petit dénominateur commun plutôt qu’un véritable discernement ou une véritable sagesse.
En ce moment délicat de l'histoire catholique, des questions fondamentales de doctrine, de morale et de pratique pastorale sont contestées. La « Conversation dans l'Esprit », cependant, considère toutes les opinions comme également valables. Un processus de discussion pré-conclave entre cardinaux électeurs, sans place pour la contestation et la correction fraternelles, n'est pas sérieux. Il laissera sans réponse ce qui a absolument besoin d'être clarifié, si le conclave qui suivra doit s'attaquer aux véritables problèmes plutôt que d'être dominé par des reportages médiatiques souvent erronés.
Une rumeur encore plus inquiétante voudrait que le conclave se déroule selon le modèle de la « Conversation dans l'Esprit », le vote étant remplacé par l'émergence d'un pape de consensus grâce à un processus de discussion facilité (le choix étant éventuellement ratifié par un vote de confirmation). Cette hypothèse est cependant tellement tirée par les cheveux qu'elle ne doit pas être prise (trop) au sérieux. Plus inquiétante est la possibilité que la procédure de vote soit « réformée » pour permettre l'élection d'un pape à une majorité de 50 % + 1 au lieu de la majorité actuelle des 2/3.
En 1996, Jean-Paul II modifia les règles afin qu'un pape puisse être élu à la majorité simple après un conclave bloqué après 33 tours de scrutin sur plusieurs semaines. Benoît XVI reconnut l'erreur et révisa la formule de Jean-Paul II de telle sorte qu'après ces trente-trois tours de scrutin indécis, un second tour aurait lieu entre les deux candidats ayant obtenu le plus de voix (qui eux-mêmes ne peuvent pas voter), mais que le vainqueur devait réunir les deux tiers des voix.
La règle des 2/3 a bien servi l'Église pendant des siècles. Elle a souvent permis de garantir qu'un nouveau pape, même issu d'un conclave controversé, bénéficie d'un soutien suffisant pour gouverner efficacement. Toute modification de cette règle serait une erreur. Certains y verraient sans doute une tentative d'obtenir un résultat précis. Or, un tel résultat serait néfaste pour le nouveau pape et pour l'Église, car le pontificat débuterait sous un lourd nuage de suspicion.